Chêne des marais enfoui dans la tourbe, ce bois ne porte le nom de Morta que s’il provient de Brière. Pourquoi ? Car le terme « morta » appartient au patois briéron et sa fabrication découle de la création de la Brière elle-même. Très fortement ancré dans la culture locale, le bois morta fait partie intégrante du patrimoine linguistique, littéraire, artisanal, historique et géographique du parc naturel régional de Brière. Bois en cours de fossilisation, il s’extrait manuellement selon des règles strictes définies par la Commission syndicale de la Grande Brière Mottière en accord avec les services de la biodiversité. Il ne se vend qu’en Brière, sur des objets artisanaux et jamais comme bois brut ou massif. Sa richesse et sa noblesse proviennent de sa rareté et de sa beauté. À vous de le sublimer par votre émotion lorsque vous le tiendrez entre vos mains. Qu’est-ce que le bois morta ? Faisons connaissance avec ce matériau unique, voulez-vous ?
Qu’est-ce que le bois Morta ?
Définition du morta, bois des marais de Brière
Impossible de définir le morta sans le relier à sa seule terre natale : la Brière.
Le morta est le chêne des marais enfoui dans la tourbe de Brière. Il s’agit d’un bois en cours de fossilisation. Petit à petit, les minéraux du sol (dans lequel il se trouve) remplacent la matière organique qui le compose, sans modifier sa structure atomique. Ce n’est donc pas un bois silicifié, pétrifié ou fossilisé.
🌳 Le morta est un chêne des marais, mais tout chêne des marais n’est pas du morta. 🌳
Je veux en savoir plus sur l’origine de ce bois et où le trouver !
😉 NB : Ne parlons pas de « bois morta » ou « bois de morta », mais simplement de « morta ». Diriez-vous « bois de chêne » ou « bois de pin » ?
Caractéristiques et avantages du morta
Sa couleur est foncée, quasi ébène. Quelques reflets caramel altèrent sa noirceur. Chaque morceau de morta est unique. Très dense et dur, le morta est un bois d’une grande noblesse, lentement gagnée au cours de ses 5 000 années de silicification. C’est un bois très résistant, mais ses plus beaux avantages restent sa rareté et sa singularité. À savoir que sur un tronc de morta, seulement 20 % environ de la matière est utilisable. Nous travaillons d’ailleurs à de nouvelles techniques pour améliorer ce rendement.
Acquérir du morta ne se justifie pas, mais se ressent. Comment expliquer l’émotion portée par ce morceau d’histoire ?
Les utilisations possibles du morta
Traditionnellement, le morta servait de charpente pour la construction des chaumières. Les Briérons le ramassaient avec la tourbe et l’utilisaient aussi comme bois de chauffage. En effet, ils en appréciaient sa lente combustion due à sa densité hors du commun. Quel dommage, n’est-ce pas ?
Ce bois noir unique et reconnaissable entre tous identifie également des points de repère pour les randonneurs sur les « sentiers à morta ».
Aujourd’hui reconnu comme matière noble et de très haute qualité, il ne sert plus que pour des créations artisanales : couteaux, bijoux, etc.
Les meubles en morta (table, chaise, armoire) n’existent pas.
Où acheter du bois Morta ?
Le Morta ne se vend qu’en Brière et transformé en objet. Il n’existe aucun revendeur de morta brut. Ainsi, vous trouvez des couteaux avec un manche en Morta, des bijoux en argent associés à une pièce de morta, des sculptures et même des stylos en Morta. Dans les années 80, un pipier d’Herbignac (dans le département de Loire-Atlantique) fabriquait des pipes (vous l’aviez compris 😅). On rencontre encore quelques rares sculpteurs qui exposent notamment sur les marchés artisanaux de Brière.
Donc si un site vous propose d’acheter du morta brut, morta massif, morta en planches, en plaquettes, en bloc ou autre morta à assembler, méfiez-vous ! Il s’agit forcément d’un autre chêne des marais.
Notre aimable conseil 😊
Pour un achat responsable, renseignez-vous sur la provenance du bois proposé. La plupart des chênes des marais arrivent des pays d’Europe de l’Est. L’affluence de cette nouvelle concurrence (déloyale, disons-le) nous incite à vous conseiller la plus grande prudence et à différencier le vrai du faux morta.
En effet, devant l’amour que nous portent nos clients, il est de plus en plus courant de voir des importateurs proposer du chêne des marais venu de Pologne, de Lituanie ou même de Russie et d’y ajouter le mot “Morta”. Bien entendu, cette démarche discutable est une offense au travail que nous déployons chaque année en Brière face aux extractions sauvages et sans contrôle qui sont faites en dehors de nos frontières. C’est surtout une façon de créer la confusion auprès des consommateurs et de se jouer de leur méconnaissance sur le sujet.
Et pour ceux qui souhaitent acquérir du véritable morta, visitez la boutique Couteaux Morta ou notre atelier de Saint-André des Eaux (44).
Comment se forme le morta ?
Au commencement était la Brière
Pour comprendre comment se forme le morta, il faut savoir comment s’est formé le sous-sol de la Brière. On vous a prévenus, l’un ne va pas sans l’autre 😅.
Voyageons quelque 5 000 ans en arrière et remontons au néolithique. La Brière connaît de nombreuses allées et venues de courants alternant l’eau douce et l’eau salée de l’océan atlantique. Ces bouleversements géologiques creusent une cuvette où marécages et vase se développent. Petit à petit, une immense forêt de chênes s’installe.
Par deux fois, les chênes s’effondrent sous les mouvements du sol : environ 2 300 ans av. J.-C. puis 1 000 ans av. J.-C. La mélasse tourbière ensevelit alors la forêt.
La tourbe prive les troncs d’air et d’oxygène (milieu anoxique). Ainsi, ils ne pourrissent pas. Au contraire, ils sont protégés et se nourrissent des nombreux nutriments du sol issus d’éléments organiques : le carex, le typha ou chandelle de loup, le jonc blanc ou fifande, le jonc vert et surtout le roseau.
Les troncs de chênes se chargent notamment en silice d’où la couleur spécifique quasi noire du morta. Les reflets marronés proviennent de l’association des tourbes noires et des tourbes brunes que l’on trouve en Brière.
Chez Couteaux Morta, nous aimons dire que le sol a servi de sarcophage naturel aux troncs de chênes. Plutôt joli comme image pour ces arbres contemporains des pharaons, non ?
La science explique le lien entre la Brière et le morta
Des œuvres scientifiques et journalistiques retracent la création du sol de Brière et la formation du morta :
- Notre Brière d’Augustin Vince, professeur de géologie à l’université de Nantes ;
- Mystérieuse Brière de Renée Guillemin ;
- Nature insolite en France de Pierre Pellerin, journaliste et écrivain, spécialisé dans la nature et l’écologie ;
- 8 000 ans en Brière de Lionel Visset, palynologue*, docteur ès sciences à l’institut des sciences et de la nature, enseignant-chercheur au laboratoire d’écologie et de phytogéographie de la faculté des sciences de Nantes.
Palynologie : étude des grains de pollen et des spores actuels ou fossiles.
L’extraction du morta : une technique manuelle respectueuse de l’environnement
Une extraction manuelle très physique
Ces photographies du début du XXe siècle montrent la découverte des troncs de morta comme une aventure magique et hasardeuse. À cette époque, les paysans briérons déterraient le morta lors des tourbages.
Aujourd’hui, la recherche se fait toujours à l’aide d’une simple sonde métallique. Nous partons (oui, un coutelier morta est aussi extracteur😅) à l’heure où blanchit la campagne munis de notre bonne humeur et de beaucoup de courage, car croyez-nous, il en faut ! Toute la journée, la sonde va et vient en profondeur dans le sol jusqu’à ce que nous sentions une résistance. Alors, nous délimitons la zone pour juger de la grandeur du tronc en présence. Ce n’est qu’après que l’extraction réelle (donc le plus dur travail) commence. Voyez plutôt !
Mais strictement réglementée
L’extraction obéit à des règles strictes et précises mises en place par la Commission Syndicale de la Grande Brière Mottière en accord avec le parc naturel régional de Brière et les services de la biodiversité.
Cette convention interdit la présence d’engins lourds de manutention et de transport. Pour réguler l’affluence et les piétinements, la Commission impose une déclaration avant tout reportage ou visite d’envergure.
Chaque année, le cahier des charges redéfinit :
- la zone exacte où l’extraction est autorisée ;
- la période précise ;
- le quota de troncs ;
- le montant de la cotisation annuelle pour le droit d’extraction.
Ces précautions garantissent le respect de l’écosystème et la sauvegarde de la faune et de la flore.
Les autorités insistent sur une parfaite remise en état des lieux après extraction. Des limites que nous validons et soutenons totalement.
Tout savoir sur les conditions d’extraction du morta.
L’origine du mot Morta : un terme purement briéron
Le terme « morta » est un mot d’antan issu du patois de Brière. Fortement ancré dans la culture locale, il prend ses racines (sans jeu de mots) autour de Saint-Joachim, de Mayun et de l’île de Fédrun en plein cœur de la Brière.
Le morta dans le langage briéron
L’association locale La Pierre Chaude valorise les liens de la tradition et de la mémoire. Elle répertorie dans un glossaire tous les mots d’origine briéronne dont le mot morta avec la définition suivante :
Morta : Bois (chêne) fossilisé que l’on trouve dans la tourbe.
Le BT Journal (Bibliothèque de Travail, Publications de l’École Moderne Française, pédagogie Freinet) publie un lexique dans La Brière, un marais et sa vie autrefois.
Morta : tronc d’arbre fossilisé enfoui dans le sol.
Le morta dans la littérature et les légendes de Brière
La Brière d’Alphonse de Châteaubriant :
Dans son roman La Brière, écrit en 1923, Alphonse de Châteaubriant transforme le Morta en véritable personnage de l’histoire.
💡😉C’est ce roman qui nous donna l’envie de créer les Couteaux Morta.
Notre Dame de Blanche Couronne :
Dame de Blanche-Couronne languissait de voir son époux rentrer des croisades. Partie en solitaire en forêt et assaillie par les brigands, elle leur jette l’anneau de ses noces à la face en implorant son aimé de la secourir. Aussitôt, la forêt sombre dans un abîme et y enfouit les agresseurs. Une nouvelle Brière apparaît .
Le roman de Châteaubriant fait d’ailleurs référence à cette légende.
Le Morta, le Corseau
En 1998, Paul Burban, conteur de Brière, écrit ce poème.
Voici contée l’histoire des chênes et des roseaux. Cette histoire nous raconte comment les Dieux, de colère face aux rois qui voulaient se rassembler pour vanter leurs exploits, déclenchèrent un tel cataclysme que tout fut enseveli. Ou comment les dieux punirent l’orgueil des Hommes.
« Les chênes se dressaient superbes de fierté…
Les chênes arrachés brisés par le courant…
Parmi les vieux chênes d’une forêt engloutie, dans ce marais profond qui sut les accueillir… ».
La pipe en morta
« Il tenait entre ses lèvres une pipe dont je vis tout de suite qu’elle était en morta. Vous savez, ce morta qui provient des arbres millénaires fossilisés qu’on trouve au fond de la Brière. » Le héros de l’histoire reçoit du Dieu des marais, le cousin de Neptune, une pipe en Morta pour le remercier de son aide.
Entretenir le Bois Morta
Comme expliqué précédemment, le morta a stagné plusieurs millénaires en milieu humide. S’il résiste très bien au choc, il n’apprécie désormais plus le contact avec l’eau. C’est pourquoi le morta s’entretient simplement avec un chiffon doux. De temps en temps, vous pouvez appliquer un peu de cire d’abeille.
Gardez-le à l’abri de la lumière.
💡Le morta n’est pas un bois stabilisé, car cela signifierait que nous y avons injecté de la résine pour augmenter sa résistance.
Nous entendons parfois parler de bois imputrescible. Nous ne saurions l’affirmer. Le morta est en cours de fossilisation. Même après 5 000 ans d’enfermement, il reste bien vivant. Mais rassurez-vous, une fois passé entre nos mains de couteliers, votre manche ne bougera plus.
Pour votre couteau pliant, la meilleure place reste le fond de votre proche ou le creux de votre main, à vous de choisir 😉.
Entretenir le manche de son couteau en morta
Trop souvent assimilé à n’importe quel autre chêne de marais, le morta provient de l’association indéfectible du chêne des marais et de la tourbe de Brière. Protéger cette identité unique nous tient à cœur en tant qu’amoureux des traditions et fervents défenseurs des patrimoines géographiques et culturels. Un message que nous porterons bientôt au plus haut degré des institutions françaises, nous vous en reparlerons 😉.
D’ici là, soyez nos ambassadeurs et portez notre belle parole en reconnaissant ce bois unique à sa juste valeur.
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Article rédigé par la plume affûtée de Christelle Lorant .