10 ans séparent ces deux reportages de l’émission télévisée Météo à la carte. 10 ans pendant lesquels, l’atelier JHP a métamorphosé son coutelier solitaire et passionné en une équipe de 10 couteliers et coutelières amoureux de leur métier et inconditionnels du Morta. Ces deux documentaires nous offrent l’occasion d’un regard en arrière, une manière de retracer le chemin parcouru à travers la lorgnette d’une longue-vue qui remonte le temps. Vous me suivez ?
Météo à la carte en 2014 : un coutelier solitaire, mais passionné
En 2014, lorsque Météo à la carte réalise un reportage sur mon atelier, elle filme un coutelier (moi😉) seul avec ses rêves et son alter ego : le Morta. Le journaliste retrace mon passé de commercial et communique sur ma passion de toujours : la coutellerie. Ensemble, nous partons dans les marais de Brière. Pour moi, c’est une journée d’extraction normale qui commence. Je lui présente mon bureau, la Brière et mes collègues (canards et autre faune des marécages).
Je m’équipe de ma sonde et, jour de chance 🍀, je détecte une résistance qui signifie certainement qu’un tronc de Morta se trouve sous mes pieds. J’attrape mes chaînes, ma chèvre (le treuil, pas une collègue😅, dans les marais sait-on jamais) et réveille ce chêne des marais endormi depuis 5 000 ans dans le sol de Brière. Nourri de silice, il s’est teinté de ce noir exceptionnel dans lequel s’insinuent discrètement, mais joliment quelques reflets cuivrés.
Retour à l’atelier (une simple cabane) où je réalise mon rêve d’enfant : fabriquer des couteaux. Je me délecte de cette matière dense et compacte, difficile à travailler. Mais le jeu en vaut la chandelle, entre mes doigts se niche un morceau de bois qui a connu l’Antiquité, le Moyen-âge, la renaissance et se réincarne aujourd’hui sous forme de manche de couteau.
Sur le modèle en fabrication, j’associe une autre matière fossile : l’ivoire de mammouth.
Je ne l’utilise qu’en toute petite quantité eu égard à sa rareté. C’est un ivoire qui provient de Sibérie. J’ai choisi cette filière, car elle contribue à la sauvegarde des éléphants d’Afrique. En effet, le commerce légal de l’ivoire diminue le braconnage.
Le journaliste note alors que ce couteau porte à lui seul 15 000 ans d’histoire.
Ce reportage donne un vrai coup de boost à ma modeste activité de l’époque. Pour autant, je poursuis mes efforts quotidiens pour maintenir un haut niveau d’exigence.
Météo à la carte 2024 : une équipe de couteliers dans « le temple de la coutellerie »
Une équipe de 10 personnes
Fini la cabane en bois, nous accueillons le journaliste dans notre atelier. Cette fois, c’est une équipe de 10 couteliers et coutelières qu’il rencontre. Notre dernière recrue, Rodin, a travaillé pendant 10 ans dans différentes coutelleries. Désormais, convaincu par le Morta, il pose ses valises à Saint-André des eaux. Il se dit très fier de façonner une telle matière.
Une production annuelle de 6 000 couteaux
Les 600 couteaux annuels de 2014 se comptent désormais en milliers : environ 6 000 unités quittent chaque année l’atelier JHP. Soit nos clients visiteurs les achètent sur place, soit nous les expédions via notre boutique en ligne. À noter que ce sont les deux seuls canaux de distribution des Couteaux Morta.
Nous avons d’ailleurs l’immense honneur d’en présenter quelques pièces lors de la Grande Exposition du Fabriqué en France à l’Élysée les 26 et 27 octobre 2024.
Une extraction toujours manuelle, mais de plus en plus réglementée
Lorsque j’étais seul, j’étais porté par mon enthousiasme. Pourtant, parfois, le découragement menaçait surtout au moment de déterrer ces troncs centenaires en années et en kg. Mais toujours, ma passion gagnait. Aujourd’hui, nous travaillons ensemble, soudés par trois valeurs communes : le couteau, le Morta et l’amour du travail bien fait.
Les méthodes d’extraction restent identiques puisqu’il s’agit de gestes manuels et strictement réglementés. Une convention écrite en accord avec les services de la biodiversité, signée entre le Parc naturel régional de Brière et la Commission syndicale de la Grande Brière Mottière définit, chaque année, les zones, le quota et les dates d’extraction.
Nous sommes d’autant plus fiers de suivre ces procédures qu’elles sont respectueuses de la faune et de la flore. Elles permettent de sauvegarder notre patrimoine et, nous l’espérons, de donner envie aux jeunes artisans de se lancer dans une activité locale écoresponsable.
En savoir plus sur les conditions d’extraction du Morta
Chaque année, nous ne bénéficions que d’une fenêtre de tir d’environ 6 semaines pour dénicher la matière nécessaire à notre production coutelière annuelle, à savoir environ 25 troncs. Dans le reportage, vous me voyez seul partir en repérage. L’extraction, désormais effectuée en équipe, reste cependant très difficile physiquement. Heureusement, la bonne humeur et le soutien mutuel rendent cette épreuve moins pénible. De mon côté, même quand l’effort s’intensifie, je me concentre sur mon devoir d’exemplarité et garde le sourire 😬😉, si, si ! .
Comme le souligne le reportage, l’or noir demande un effort titanesque, autant que faire se peut.
Les marais de Brière : un environnement soumis aux changements climatiques
Le dérèglement climatique modifie le sol de la Brière. Jamais je n’ai vu le niveau de l’eau aussi haut en automne. C’est pourtant précisément parce qu’il est censé être au plus bas que la convention impose cette période pour l’extraction.
Cette situation devient problématique pour nous, mais pas seulement : pour les éleveurs de bovins, aussi par exemple.
Je trouvais amusant de comparer ces deux reportages. 10 ans les séparent. Si à l’atelier JHP, beaucoup de choses ont évolué, le Morta, lui, reste imperturbable. Pour ma part, le couteau demeure la passion de ma vie. Chaque jour qui passe me confirme que je n’en suis pourtant qu’au milieu du chemin. À bientôt au fil d’une prochaine actualité.
Article rédigé par la plume affûtée de Christelle Lorant 🪶